Negresco Schimpansi, c’est Safari ! Volet 2

Safari, Zulassungskarte, Prüf-Nr. 56638, Berlin, 10 février 1942, [28 p.]. PDF.
Safari, Illustrierter Film-Kurier, (Berlin), n°2935, [1939], [8 p.]. PDF.
Safari (1939) – Résonances allemandes (et lointaines sonorités africaines), 25 p., PDF.
Negresco Schimpansi, c’est Safari (W. Eggert, 1939) ! – Volet 2
Présentation
Pour compléter l’étude mise en ligne en janvier 2017 sous le titre de «Negresco Schimpansi, c’est Safari (W. Eggert, 1939)!», nous publions dans ce deuxième volet un ensemble de documents liés à la diffusion de Safari en Allemagne : le deuxième visa de censure du film, la livraison que lui consacra l’Illustrierter Film-Kurier et six articles parus dans la presse corporative, complétés par une discographie africaine.
Nous remercions Wolfgang Fuhrmann (Universidad de Bogotá Jorge Tadeo Lozano), Martin Koerber et Lucia Wiedergrün (Deutsche Kinemathek - Museum für Film und Fernsehen, Berlin), Martin Loiperdinger (Université de Trêves), Virginie Berset et Caroline Neeser (Cinémathèque suisse) pour leur collaboration au rassemblement de ces sources, et Pierre-Emmanuel Jaques pour sa relecture.
Le visa de censure de Safari que nous reproduisons ici - Zulassungskarte, littéralement visa d’agrément - est daté du 10 février 1942 (2422 m.). Il correspond à un renouvellement de la demande. Un premier visa avait été délivré le 14 février 1939 (n° 29.475 ; 2434 m.), trois mois avant la sortie berlinoise du 24 avril 1939 (voir http://www.filmportal.de).
Témoignage du maintien du film en distribution, une troisième autorisation fut délivrée le 3 avril 1944, selon le renouvellement biennal des demandes (n° B.60093, 2410 m.).
Ne disposant que du texte de la seconde autorisation, nous ignorons si la légère différence du métrage correspond à des variations attestées de contenu ou à un changement dans la façon de mesurer la copie - et nous nous garderons bien de spéculer à ce sujet : dans l’autorisation de 1942, le calcul de la durée est faux, 2422 mètres ne faisant pas 84 minutes, mais 88 minutes.
Quant au tirage effectué en 2009 par la Cinémathèque à partir d’un interpositif et d’un négatif son nitrate, il mesure 2288 m. Une telle différence, quelque 150 m. (env. 5’), peut provenir aussi bien de variations de montage que d’altérations matérielles. Elle devrait nécessairement entraîner une comparaison avec les autres copies conservées par la CS, ne serait-ce que pour savoir effectivement ce qui fut déposé et ce qui a été remis en circulation.
A cet égard, la carte de censure constitue un précieux document, puisque la description qu’elle donne du film n’est autre que l’intégralité (présumée !) du commentaire off. Il serait bon aussi que l’on s’inquiétât de l’existence des copies qui pourraient être conservées en Allemagne ou en Autriche. Nous avons repéré récemment l’existence d’un document promotionnel important, la bande-annonce de Safari (72,5 m., 2’38), conservé par la Deutsche Kinemathek (communication de Martin Koerber).
Au moment de mettre ce dossier en ligne, le Filmarchiv/Bundesarchiv (Berlin) n’avait pas répondu à notre demande de renseignement.
Nous souhaitons évidemment qu’il soit donné suite à cette recherche, en raison de l’intérêt particulier que présente Safari. Sa définition formelle comme helvetica repose aujourd’hui sur la présence de la Zurichoise Dora Eggert-Kuser, l’épouse de Wilhelm Eggert, et sur la forme particulière de son exploitation sur le territoire suisse, et sa singularité historique tient précisément à ce jeu sur son identité.
En Suisse, Safari devenu Negresco Schimpansi fut assez régulièrement interdits aux enfants, avec des formules qui suggèrent parfois un spectacle qui pourrait être “piquant“ : « Nur für Erwachsenen ! Jugendliche unter 18 Jahren haben keinen Zutritt ! ».
On notera qu’en Allemagne, ses vertus éducatives font de Safari un film librement accessible aux enfants.
La Zulassungskarte scannée est conservée dans le fonds Dora Eggert-Kuser, cote CSL 070.
- Safari, Illustrierter Film-Kurier, (Berlin), n°2935, n. p., [8 p.], s. d. [1939], PDF.
La couverture de l’Illustrierter Film-Kurier reproduit en noir et blanc l’affiche très colorée, qui sera reprise en Suisse, avec les modifications que nous signalons dans «Negresco Schimpansi, c’est Safari (W. Eggert, 1930)!».
En page [2], sur fond de sable, de palmiers et de chameliers, Wilhelm Eggert, « peintre rhénan » vêtu avec une sportive élégance, est donné comme un guide nous invitant à le suivre « quer durch Afrika », manière de visualiser le fait que le commentaire off, le « Begleitsvortrag » dit par Erwin Hartung, est formulé à la première personne, outre l’introduction (« Einleitungsvortrag ») prononcé par Eggert lui-même, en son direct.
On notera que la description que donne l’Illustrierter Film-Kurier du contenu de Safari ne fait pas écho au passé colonial africain allemand, que le film rappelle explicitement à quelques reprises. La presse allemande développa avec une certaine insistance ce thème, en tout cas la presse corporative où furent publiés, aussitôt après la première, les trois articles que nous donnons intégralement ici.
Comme c’est la règle dans cet illustré cinématographique, la mise en page des images tirées du film est conçue comme une interprétation de l’œuvre et non comme un simple accompagnement documentaire. Le photomontage le plus curieux demeure peut-être, en page [3], cette image de l’expédition surplombée d’un innocent chimpanzé suggérant par la taille disproportionnée de l’animal la présence d’une sorte de King Kong, dont la menace est complétée plus loin, dans une mise en page symétrique, par un lion et un crocodile. La représentation animalière telle qu’elle est donnée dans le film (son importance est fortement exagérée par le texte promotionnel de l’Illustrierter Film-Kurier) fit l’objet dans Film-Kurier d’une dénonciation en inauthenticité de la part du réalisateur Hans Schomburgk. Nous en donnons la teneur dans les articles allemands publiés ici même.
On notera enfin que dans cette publication destinée aux exploitants et au public de cinéma, Dora Eggert-Kuser, si elle fait l’objet d’une discrète mention, n’est créditée d’aucune participation particulière à la réalisation, contrairement au principal argument publicitaire qui allait accompagner la diffusion de Safari en Suisse (« eine Schweizerin filmt Afrika !», variante : « Eine Zürcherin filmt Afrika ! »). Son implication dans le tournage du film est toutefois déjà mise en évidence dans les trois recensions allemandes.
L’exemplaire scanné provient du fonds Dora Eggert-Kuser, cote CSL 070.
- Safari (1939) - Résonances allemandes (et lointaines sonorités africaines), 25 p., PDF.
Annotés en français, les articles que nous donnons ici dans le texte original sont précédés d’une introduction à laquelle nous renvoyons le lecteur.
Ils proviennent de trois corporatifs, Die Lichtbild Bühne, Der Film et Film-Kurier.
La première partie, « Safari – Trois recensions», donne à lire des comptes rendus détaillés du film parus le lendemain de la première berlinoise (Astor, lundi 24 avril 1939).
La seconde, « Safari – La musique de Walter Winning », reproduit une étude sur la musique dans le Kulturfilm. Rarement abordé, ce sujet est du à Hermann Wanderscheck et comprend un développement sur le film de Wilhelm Eggert.
Nous l’avons complété par «Safari – Discographie africaine», une liste des disques de musique africaine (et indienne) achetés à Mombassa par les Eggert, dont certains extraits se font entendre dans Safari.
Ces onze 75 tours sont conservés à la Cinémathèque suisse dans le fonds Dora Eggert-Kuser (cote CSL 070).
La quatrième partie, «Safari – Un procès en inauthenticité», comprend l’échange entre le cinéaste Hans Schomburgk et Wilhelm Eggert à propos des emprunts que ce dernier aurait fait à d’autres films pour ses images animalières.
Nous avons évoqué l’écho que cette polémique eut en Suisse dans «Negresco Schimpansi, c’est Safari (W. Eggert, 1930)!», alors que nous n’avions pas encore repéré la source utilisée par le journaliste (par ailleurs non identifié) qui s’en était fait le truchement.
Roland Cosandey
30 novembre 2017
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