Avant-première au Capitole: Les Invisibles de Sébastien Lifshitz
Jeudi 10 avril au Capitole, la Cinémathèque
suisse dévoile Les Invisibles de Sébastien Lifshitz,
en sa présence. Dix ans après La Traversée,
le cinéaste français revient au documentaire
avec une exploration de la mémoire homosexuelle d’avant 1968.
La puissance des esprits libres
"Ce film a plusieurs origines. L’une d’elles est liée à la photographie. Je col
lectionne les photographies amateur depuis de nombreuses années
et le hasard m’a mis un jour devant un album-photo de deux vieilles dames
à l’allure très bourgeoise, très « vieille France » et pourtant quelque chose dans ces images me laissait penser qu’il s’agissait d’un couple lesbien. J’ai acheté l’album et en y regardant de plus près, j’ai obtenu la confirmation de mon intuition. Par la suite, j’ai trouvé beaucoup d’autres images d’hommes et de femmes ouvertement homosexuels, toutes époques confondues. Ce qui m’a le plus surpris, c’est la liberté qu’avaient ces gens
à exprimer leur désir à des époques nettement moins tolérantes. Je me suis alors demandé si les homosexuels de ces générations-là n’avaient pas eu des vies plus heureuses que ce que l’histoire officielle semble nous dire.
J’ai voulu reparcourir ces soixante dernières années en allant interroger des homosexuels nés avant la guerre pour leur demander ce qu’il en avait été pour eux. En parallèle, une autre idée a aussi fait surface. Je ne souhaitais pas que le film soit uniquement tourné vers le passé, bien au contraire. Je voulais porter un regard sur l’homosexualité des gens âgés aujourd’hui, filmer leur vie au présent et regarder ce que c’est d’aimer et de vieillir pour des homosexuels de plus de 70 ans.
J’ai ainsi recherché pendant deux ans des hommes et des femmes qui accepteraient de raconter leur vie devant une caméra. J’ai tenu à ne prendre que des anonymes, mélanger les classes sociales et les lieux de vie pour amener le plus de diversité sociale dans le film. Mon souhait était de raconter l’évolution de la société française, depuis l’après-guerre jusqu’à aujourd’hui, en me basant sur leur vie. Les minorités sont des groupes extrêmement intéressants pour raconter les valeurs d’une époque.
Ce film rend hommage à tous ceux qui, par le simple fait d’avoir vécu aussi librement, ont permis que nous ayons les libertés que nous connaissons aujourd’hui. Tout est fragile et l’intolérance pourrait encore revenir aujourd’hui. Mais au-delà de l’homosexualité, le film montre la valeur du combat, la puissance des esprits libres. Tout est possible, même à 80 ans.
Pour le tournage, j’avais une idée fixe qui était de filmer les gens chez eux pour laisser parler les lieux et les objets autour. En les écoutant, j’ai réalisé
à quel point chaque vie est un roman, et j’ai essayé de traduire ce romanesque en utilisant par exemple le format scope ou de la musique de film. J’ai employé délibérément les moyens du cinéma de fiction à l’intérieur d’un projet documentaire pour affirmer un point de vue et rendre le film le plus expressif possible. La picturalité des images nous éloigne ainsi du côté reportage et nous ramène, je l’espère, du côté du cinéma.
"
Sébastien Lifshitz
Sébastien Lifshitz
Après des études en histoire de l’art, Sébastien Lifshitz travaille dès 1990 dans le milieu de l’art contemporain, que ce soit comme assistant auprès du curateur Bernard Blistène au Centre Georges Pompidou ou de la photographe plasticienne Suzanne Lafont.
En 1994, il réalise son premier court métrage et l’année suivante, un documentaire sur la réalisatrice Claire Denis et, en 1998,
le moyen métrage Les Corps ouverts, salué notamment à Cannes et Clermont-Ferrand. En 2000, il réalise son premier long métrage, Presque rien, puis, en 2001, La Traversée, un road movie documentaire sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs. Il remportera ensuite de nombreux prix dans les festivals avec Wilde Side (2004) et Plein Sud (2010). Son dernier film, Bambi, s'est vu récompensé du Teddy Award du meilleur documentaire à la Berlinale 2013.
A l'affiche en avril au Cinéma CityClub (Pully).
www.cityclubpully.ch
Jeudi 10 avril à 20h au Capitole
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