Avant-première au Capitole: Henri de Yolande Moreau
Passée à la mise en scène avec Quand la mer monte (2005), la comédienne belge signe un nouveau long métrage découvert à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes. Il sera montré le mardi 10 décembre au Capitole en présence de la réalisatrice et de son acteur principal, le cinéaste italien Pippo Delbono.
Sortie en salles le 11 décembre en Suisse romande
La face cachée de la vie
Gueules cassées, corps brisés, vies terrassées. Henri réunit un ensemble de personnages que l’existence n’a pas épargnés et qui boivent volontiers pour oublier (ou parce qu’il n’y a rien d’autre à faire). De plus, le film les installe dans un paysage – morne plaine du Nord – qui n’incite pas à la folle gaieté. Bref: il y aurait de quoi tourner un drame larmoyant, limite suicidaire. Mais non. Enfant du pays, Yolande Moreau prend la vie du bon côté et, sans renier ni ses personnages ni leur environnement, les emmène vers des rivages qui sont ceux du sourire. Elle les prend par la main et, fermement, leur apprend à accepter les sales coups, à se battre, et puis à rire, à chanter, à danser. Grâce à la caméra de Yolande Moreau, le couple improbable entre l’immigré italien mutique et la jeune femme à la tête pas tout à fait à l’endroit apparaît à la fois juste et courageux, comme une formidable ode à la vie, à tout prix.
Frédéric Maire
A propos du film
J’aime le tragi-comique. J’aime partir de choses graves... Mais l’humour n’est jamais très loin. (…) Les résidents chantent «Tiens voilà mon zob» et Henri et ses copains chantent «Ah la salope». Les préoccupations sont les mêmes, universelles: le sexe, l’amour... Les handicapés mentaux m’ont toujours fascinée. Ils sont le reflet de notre propre désarroi. J’ai senti très vite le danger, les pièges à éviter: je ne voulais pas dépeindre le monde des handicapés comme quelque chose de pseudo-poétique, de mignon. Je voulais un film âpre. Il me fallait les filmer à la bonne distance, proche mais sans sensiblerie ni mièvrerie. (…) C’est aussi un film sur l’incommunicabilité. Henri et sa femme dorment côte à côte mais comme deux étrangers. Henri ne communique ni avec sa fille Laetitia, qui comme sa mère est dans le mépris du père, ni avec Gaël, son petit-fils de 10 ans, qui reste «dans sa bulle», un casque sur les oreilles, jouant sur sa Playstation.
Yolande Moreau
Yolande Moreau
Yolande Moreau est une comédienne et réalisatrice belge. Elle débute dans des spectacles pour enfants et des one woman shows (Sale Affaire en 1981) avant d’être repérée par Agnès Varda qui lui donne un rôle dans Sans toit ni loi (1985). Elle rejoint alors la troupe de Jérôme Deschamps et Macha Makeïeff avec laquelle elle s’illustre notamment dans Les Deschiens. A partir des années 1990, on la voit dans les films de Dominique Cabrera, Jean-Pierre Améris, Yves Angelo, Jean-Pierre Jeunet, Noémie Lvovsky ou Benoît Delépine et Gustave Kervern. Elle obtient deux césars pour sa première réalisation, Quand la mer monte (2005), et un troisième pour son interprétation dans Séraphine de Martin Provost (2009). Film de clôture de la Quinzaine des réalisateurs 2013, Henri est son second long métrage.
Pippo Delbono
Né à Savone (Ligurie) en 1958, Pippo Delbono est l’auteur de spectacles bruts et dérangeants qui frappent au cœur de la réalité sociale et politique, manifestes d’un théâtre total qui emprunte autant à la danse qu’à l’opéra. Comédien et metteur en scène internationalement reconnu, il est aussi cinéaste. Des débuts poétiques de L’India che danza à son affirmation avec l’impressionnant Guerra, présenté à Venise et lauréat du David di Donatello du meilleur documentaire italien, puis avec La Paura et Sangue (réalisés avec un téléphone portable), Pippo Delbono a peu à peu dessiné une poétique du récit cinématographique qui tient à la fois du journal intime, du carnet de notes, du récit de voyage et de la superproduction. C’est à ses talents d’acteur que Yolande Moreau fait appel dans Henri.
Mardi 10 décembre à 20h30 au Capitole
> Henri de Yolande Moreau