Miscellanées Méliès (1)
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Présentation
En nommant miscellanées cette rubrique consacrée à Georges Méliès, nous annonçons la couleur, qui est d’ailleurs celle de Documents de cinéma en général: il s’agit de “mélanges“. Mélanges résultant d’occasions particulières, de recherches en archives, de trouvailles fortuites, qui s’additionnent ou se répondent.
Ce qui est proposé tantôt s’associe à des travaux parus, leur apportant quelque complément jugé utile, et tantôt entend susciter des pistes nouvelles.
Ce dessein est facilité par une précieuse souplesse. Alors que l’édition sur papier est soumise à de nombreuses contraintes, de délai et de volume notamment, l’édition électronique “déformate“ les contenus, permet d’intervenir ad libitum et favorise la circulation d’apports inédits.
Nous inaugurons ces Miscellanées en mettant en ligne le forum publié par le Journal of Film Preservation, l’organe de la Fédération internationale des archives du film, à la suite de la réédition du Voyage dans la lune par Lobster Films en 2011. Nous remercions vivement la rédaction du Journal d’avoir autorisé cette reprise.
Le dossier soulève des questions fondamentales liées à toute démarche de restauration et il nous semble bon d’en rappeler ici les enjeux. Il est complété par un rappel de la réaction qui fut à l’origine du débat et du cheminement de sa diffusion internationale.
Issu d’un travail pratique mené en 2012 dans le cadre de l’option archives du master cinéma de l’Université de Lausanne (module 3: «Du dépôt à l’écran: restauration du spectacle cinématographique»), le tableau des quatorze copies de films de Méliès conservées à la Cinémathèque suisse rend lisible de manière exemplaire la configuration de ce petit corpus: identification selon le catalogue de production, date de sortie, nature de la copie, provenance et date d’entrée, statut du versement...
Les quatre contributions suivantes sont dues à Jacques Malthête, l’un des meilleurs connaisseurs de Méliès, avec qui nous avons développé l’idée de ces Miscellanées. Elles constituent un apport d’importance à la connaissance du cinéaste.
Fondé sur le Voyage dans la lune, Rip van Winkle et Robinson Crusoé, le développement sur le conférencier de cinéma, ce personnage qu’un abus de langage désigne aujourd’hui par le terme de bonimenteur, documente la pratique du commentaire oral de l’époque et permet aussi de réfléchir aux façons contemporaines d’accompagner, en live ou en off, la vision des films de Méliès.
La mise au point à propos de la série des vues de L’Affaire Dreyfus s’attaque à la vision légendaire de cette production, véhiculée, pour prendre les lieux d’information d’accès le plus immédiat, aussi bien par Wikipedia que par le site des Europa Film Treasures, où les tableaux de L’Affaire Dreyfus ont été mises en ligne avec un cadre tronqué et des informations controuvées, peu compatibles avec une divulgation placée sous l’égide des archives européennes du cinéma. Pour l’image, la comparaison est à la portée de tout le monde : il suffit d’aller au DVD 2 de Georges Méliès, Fechner Productions, StudioCanal, 2011.
La pièce maîtresse de cette première livraison des Miscellanées Méliès est faite de la poursuite de l’édition de la correspondance, une contribution venant considérablement enrichir ce que l’on sait des coulisses de la reconnaissance regagnée par le cinéaste dans l’entre-deux-guerres.
L’entreprise prend ici la forme de la réunion et de la traduction de la correspondance anglaise entretenue entre 1927 et 1933, période cruciale marquée par une véritable stratégie à laquelle Méliès se prête autant qu’il la guide. À ce propos, il faut souligner le soin mis à produire une édition critique digne de ce nom, démarche rare dans la rare attention portée en France à l’édition de sources dans le domaine de l’histoire du cinéma.
Dans cette perspective, la ribambelle de notes qui court sous le texte éclaire, entre autres, certains aspects d’une historiographie du cinéma menée entre les deux guerres par quelques auteurs au statut variable (historien, journaliste, collectionneur), aujourd’hui oubliés, Maurice Noverre, Merritt Crawford, Will Day.
Générés par la lecture de la correspondance, deux annexes complètent cet apparat critique, l’une retraçant l’association du nom de Méliès à celui de Jules Verne, l’autre produisant une bibliographie des travaux sur Gaston Méliès, autant de contributions grâce auxquelles le frère de Georges a retrouvé peu à peu une place moins dépréciée que celle que lui assignait la tradition.
Quant au glossaire des termes de chimie, il fera le bonheur des restaurateurs amenés à toucher la pellicule ancienne mise en couleur à l’époque, et sans doute aussi de collègues d’autres domaines. C’est également un rappel discret du domaine professionnel – la chimie organique et la physicochimie – qui fut celui de Jacques Malthête, comme directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), rattaché en dernier lieu à l’Institut Curie.
D’autres pièces viendront progressivement s’ajouter à ce premier ensemble et non des moindres : la mise en ligne, sous leur forme originale, du plus fameux des écrits de Méliès, Les vues cinématographiques (1907), et de l’ouvrage de Rémy, Spirites et illusionnistes (1911), issus de conférences données la même année 1907 au Théâtre Robert-Houdin, ainsi que de documents inédits concernant Méliès conservés dans le Fonds Claude Autant-Lara déposé à la Cinémathèque suisse.
Rappelons que le Fonds Balissat conservé par la Cinémathèque suisse comprend trois films à trucs particulièrement remarquables, réalisés en 1900, Spiritisme abracadabrant, La vengeance du gâte-sauce, Repas fantastique.
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Roland Cosandey, juin 2015