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L. Guido - L'Âge du rythme

Cinéma, musique, corps - "L'Âge du rythme" par L. Guido

En novembre 2004, Laurent Guido soutenait sa thèse de doctorat à l’Université de Lausanne. En 2007 elle paraissait aux Editions Payot Nadir (Lausanne) sous le titre L'Âge du rythme. Cinéma, musicalité et culture du corps dans les théories cinématographiques françaises 1910-1930.

Peu après, l’éditeur déposait son bilan. Aujourd’hui, l’ouvrage n’est plus en stock ni chez le diffuseur français ni chez le diffuseur suisse, ce qui vaut également pour tous les autres ouvrages de Payot Nadir, dont les titres parus dans la collection « Cinéma ».

Certes des bibliothèques ont pu acquérir un exemplaire de L'Âge du rythme et certaines librairies ont peut-être encore l’ouvrage en rayon, mais ce sort restreint n’est pas celui que l’on peut souhaiter à une publication aussi riche, aussi innovatrice.

Au moment où la question du rythme est abordée par plusieurs autres disciplines également, il nous a paru plus qu’opportun de remettre intégralement en circulation le livre de Laurent Guido, professeur à la Section d’histoire et d’esthétique du cinéma à la Faculté des lettres de l’Université de Lausanne.

Avec cette publication monographique, la rubrique « Documents de cinéma » renoue avec la vocation de la série ancienne dont elle a repris le nom.
RC / mars 2011

Vous pouvez télécharger la version complète de L'Âge du rythme (pdf), dans la forme publiée.


En guise d’introduction

Laurent Guido
L'Âge du rythme. Cinéma, musicalité et culture du corps dans les théories cinématographiques françaises 1910-1930, Payot Nadir, Lausanne, 2007.

Au tournant du XXe siècle, l'émergence du cinéma suscite des discours passionnés visant à lui assurer une légitimité artistique et sociale. Ces débats intenses culminent dans la France des années 1910-1930, où de nombreux cinéastes, critiques et théoriciens (Abel Gance, Jean Epstein, Germaine Dulac, Louis Delluc, Ricciotto Canudo, Léon Moussinac, Elie Faure ...) envisagent le film comme le médium emblématique du monde contemporain. D'une part, il renvoie par sa nature scientifique et mécanique aux nouvelles techniques issues de l'industrialisation ; d'autre part, il accomplit un ancien fantasme esthétique en conférant aux arts plastiques la dimension du mouvement.

Le cinéma se situe d'emblée à la croisée de réflexions artistiques générales qui touchent également à l'art pictural et la musique ainsi qu'à la culture du corps qui marque en profondeur l'entre-deux guerres (danse, éducation physique, sport).

Dans ces différents domaines, la notion de rythme s'avère alors essentielle dans le sens où elle sous-entend une structuration particulière du temps également capable de définir l'organisation de l'espace. L'élaboration des principes esthétiques de ce nouvel art du mouvement accorde fréquemment un rôle déterminant au modèle de la composition musicale, prolongeant des idées développées dans les arts plastiques par Wassily Kandinsky et Frantisek Kupka.

A côté d'une première tendance qui utilise dans un sens métaphorique certaines notions empruntées à la musique, un courant plus radical voit les fondements du cinéma (mise en scène, cadrage, montage) régis par des structures analogiques à celles de l'art musical. Exprimant les différentes facettes de la « vie moderne », notamment la vitesse associée aux nouveaux moyens de communication internationaux, le cinéma est enfin perçu comme l'accomplissement du Gesamtkunswerk prôné par Wagner, actualisant ainsi le rêve d'une résurgence au coeur de la modernité des fonctions sociales et morales de la tragédie antique.

Issu pour une large part des expérimentations physiologiques du mouvement humain (Muybridge, Marey), le film rencontre ainsi les préoccupations des rénovateurs de la danse et des arts mimiques - de la Rythmique d'Emile Jaques-Dalcroze à Isadora Duncan ou Loïe Fuller – et croise des recherches comme celles de Marcel Jousse sur le geste rythmique, pour forger les bases d'un médium audiovisuel fondé sur le synchronisme rythmique de tous ses éléments fondamentaux. C'est dans ce contexte qu'émerge le grand spectacle cinématographique accompagné de musique.


Table des matières

 

Introduction

Chapitre 1. Cinéma et esthétique du mouvement au tournant du 20e siècle
   1.1. L'art de la vie moderne: «une bousculade de détails»
   1.2. Le cinéma, animation de l'immobile
   1.3. Une nouvelle durée intérieure
   1.4. Le film comme “art prothétique”
   1.5. Structurer le mouvement par le rythme : photogénie et interprétation du réel
   1.6. Le rythme de la narration, étape vers l'«idée visuelle»
   1.7.Vers une «matrice de rythmes» : simulations poétiques de la nouvelle mobilité

Chapitre 2. Le paradigme du rythme: vers une théorie du montage
   2.1. “L'ordre dans le mouvement“: de l'étymologie grecque à la psychologie expérimentale
   2.2. L'énergie des vibrations universelles: le rythme cosmique
   2.3. Rythmes intérieur et au cinéma
   2.4. Problèmes de perception
   2.5. La distinction entre rythme et cadence
   2.6. Rythme et variation de la vitesse
   2.7. La critique du rythme
   2.8. L'appréhension des rythmes visuels et ses limites
   2.9. Le rythme spatial et l'esthétique des proportions
   2.10. La notation du rythme: les mesures cinégraphiques
   2.11. La structuration rythmique des films: vitesse et répétition

Chapitre 3. Autour de la spécificité: analogie musicale et “cinéma pur“
   3.1. Réflexions sur la spécificité: les rapports avec la littérature et le théâtre
   3.2. L’analogie musicale
   3.3. Une nouvelle répartition des arts
   3.4. La distinction son/rythme   
   
3.5. Du symbolisme à l’abstraction, l’influence du contexte artistique
   3.6. Autour des premiers “films abstraits“
   3.7. Les débats sur le cinéma pur
   3.8. Une perspective restreinte au sein de l'historiographie
  
Chapitre 4. Le film comme composition musicale
   4.1. Le cinéma comme musique: une métaphore de la création idéale
   4.2. Rôles structurel et psychologique de la répétition rythmique
   4.3. Leitmotive ou thèmes visuels
   4.4. L'expression de la simultanéité: une dimension symphonique
   4.5. L'harmonie cinématographique d'après Emile Vuillermoz
   4.6. Paul Ramain et l'analyse musicaliste des films
   4.7. Réception des films soviétiques et théorie “formaliste“ du rythme
   4.8. Partir de la musique
   4.9. Le bilan du musicalisme

Chapitre 5. Le film, expression renouvelée du rythme collectif
   5.1. La résurgence du «théâtre synthétique»
   5.2. Parer l’individualisme : pour une esthétique de l’épure
   5.3.Nouvelles scènes, nouveaux corps
   5.4. Outre les barrières de la parole, vers la simultanéité planétaire
   5.5. Un art soumis aux lois de l'évolution
   5.6. La musique, clé de voûte du Gesamtkunstwerk cinématographique
   5.7. Contre l’aspect collectif du cinéma : limites sociales et nationales
   5.8. L'Amérique et ses «types» à valeur universelle

Chapitre 6. Entre langage mimique et cadence corporelle: le geste rythmique au cinéma
   6.1. Mimétisme et attraction du mouvement corporel
   6.2. La redécouverte de Delsarte et les manuels de sémiotique du geste
   6.3. La question du geste mimique et “primitif” dans la psychologie des années 1910-1930
   6.4. Le cinéma, accomplissement de l’art mimique ?
   6.5. Stylisation et mimique: vers le geste épuré
   6.6. Typologies du geste: mouvement extérieur/intérieur; expression faciale/corporelle
   6.7. Le geste cadencé: mécanisation du corps ou synchronisme archaïque?
   6.8. A l'intersection entre science et esthétique “classique”: Demenÿ et les attractions gestuelles

Chapitre 7. Du corps rythmé au modèle chorégraphique
   7.1. La danse, l’autre art emblématique de la vie moderne ?
   7.2. La Rythmique d’Emile Jaques-Dalcroze
   7.3. Pratiquer la culture physique, entre proportions “idéales“ et maîtrise du geste
   7.4. L’agencement des foules
   7.5. Du néo-antique à la rationalisation des corps : le phénomène des girls photogéniques
   7.6.Vers un art de la «fulgurance électrique» : le cas Loïe Fuller
   7.7. L’art de l’interprète : «clou» chorégraphique ou «modèle cinégraphique» ?
   7.8. La performance rythmée par le film
   7.9. Douglas Fairbanks et Charlie Chaplin, «danseurs de l’écran»
   7.10. Le tournage en musique et le synchronisme musico-plastique

Chapitre 8. L'accompagnement musical des films dans les années 1920 : vers le synchronisme
   8.1. Légitimer le nouvel art cinématographique par sa rencontre avec la musique
   8.2. La question du silence : fonctions psychologiques de la musique
   8.3. L’adaptation musicale
   8.4. La partition “originale“
   8.5. L'improvisation
   8.6. La musique comme “mise en transe” discrète
   8.7. Refuser les clichés musicaux
   8.8. Une juxtaposition d’attractions: le “ciné-mixte“
   8.9. Une nouvelle musique “appliquée“ ?
   8.10. Le débat autour de la synesthésie audiovisuelle
   8.11. La convergence par le rythme et ses entraves techniques
   8.12. Les instruments du synchronisme entre l’orchestre et le film
   8.13. Le synchronisme du point de vue de l’orchestre
   8.14. Discontinuité/continuité dans les rapports entre cinéma et musique
   8.15. Le passage au sonore: l'accomplissement du synchronisme?

Bilan et perspectives

Répertoire bibliographique

Index