Deux productions du Film d'Art : L'Assassinat du duc de Guise et L’Empreinte ou La Main rouge (France, 1908)
Introduction
En 1999, la revue japonaise iichiko publiait une livraison consacrée au cinéma muet réunissant dans leur langue originale des travaux de chercheurs occidentaux et japonais. L’ensemble était réuni par Hiroshi Komatsu, professeur d’histoire du cinéma à l’Université de Waseda (Tokyo).
Parmi ces contributions figurait une étude consacrée à l’un des titres les plus fameux de l’histoire du cinéma, L’Assassinat du duc de Guise (Calmettes et Le Bargy, 1908), première réalisation du Film d’art :
«Le plan de l'escalier. L'Assassinat du duc de Guise (film d'Art, 1908) : espace, temps, corps»,
Roland Cosandey, Iichiko, a journal for transdisciplinary studies of pratiques (Tokyo), nº64, automne 1999, pp. 36-64, 18 ill. (“Film and History“, I, Hiroshi Komatsu, éd.).
Ce travail reposait sur quatre copies 35mm, de différente origine et génération, conservées par la Cinémathèque suisse. Il faisait indirectement la démonstration des richesses de notre archive et des ressources qu’elle peut offrir au chercheur pour des travaux susceptibles, par leur sujet ou leur approche, de recueillir un écho international.
Signalons par ailleurs que l’unique copie – incomplète - d’un autre des films projetés à la première du Film d’Art, L’Empreinte (Paul Henry Burguet, 1908), avait été identifié dans les collections de la CS en 1994 et qu’elle fut sauvegardée grâce à l’intervention des Archives nationales du film (Paris). On verra plus loin qu’un tableau manquant avait survécu de manière autonome.
Le Film d’Art : renouveau historiographique
En 2008, la revue 1895, éditée par l’Association française de recherche sur histoire du cinéma (AFRHC), publiait un riche numéro consacré au Film d’art, à l’occasion du centenaire de la création de cette société affiliée à l’un des plus importants producteurs cinématographiques mondiaux de l’époque, Pathé Frères :
- Alain Carou, Béatrice de Pastre, éd., « Le Film d’Art & les films d’art en Europe (1908-1911) », 1895 (Paris), n°56, décembre 2008.
Études et documents y éclairent d’une lumière nouvelle différents aspects liés à cette production : la constitution de la Société du Film d’art, les réflexions accompagnant la recherche de sujets auprès d’écrivains et de dramaturges confrontés pour la première fois à une commande cinématographique, la réalisation des premiers films, la fameuse soirée inaugurale du 17 novembre 1908, à la Salle Charras, le répertoire du lieu, dont font partie les Visions d’Orient en vues autochromes de Gervais-Courtellemont, la variabilité du « texte » filmique, l’importance de la musique, l’histoire de la réception du Film d’Art…
Bref, le recueil donne enfin à l’étude du Film d’Art la dimension historiographique qui lui faisait singulièrement défaut jusqu’ici.
Il nous a paru opportun d’accompagner cet effort par la mise à disposition de l’étude parue dans iichiko, citée à plusieurs reprises dans 1895, et cela d’autant plus que la revue japonaise n’est pas un périodique aisément accessible sous nos latitudes.
Nous remercions les éditeurs d’iichiko, a journal for transdisciplinary studies of pratiques, ainsi que Hiroshi Komatsu d’avoir accordé à la Cinémathèque suisse l’autorisation de cette publication en ligne.
La relecture de l’étude a suscité un Errata et compléments 2010.
L’Empreinte
A ce premier volet, nous avons ajouté un second concernant L’Empreinte, en complément aux deux contributions consacrées à ce film dans le même numéro de 1895.
Nous remercions Ciné-Bulletin d’avoir autorisé la mise en ligne de l’article suivant, le premier, à notre connaissance, qui traitât du film de Paul Henry Burguet :
- Roland Cosandey, « L’Empreinte ou La Main rouge (Le Film d'Art, France, 1908): cinq pièces pour un film méconnu » / « L’Empreinte ou La Main rouge (Le Film d'Art, France, 1908) : fünf Zeugnisse für ein verkannten Film», Ciné-Bulletin (Zurich), nº229, novembre 1994, pp. 13-15 (« Chronique pour un centenaire annoncé », 9). Pdf.
La complémentarité avec 1895 se traduit surtout par les deux contributions inédites qui accompagnent cette réédition en ligne :
- Ce que raconte la partition,
- De Conscience à L'Empreinte: note sur une adaptation.
L’Assassinat du duc de Guise : in situ
Un troisième volet permet de documenter la programmation de L’Assassinat du duc de Guise en Suisse, à Genève en l’occurrence.
Si l’ensemble du dossier illustre une relation archivistique entre périphérie et centre, dans la mesure où les travaux mis en ligne ici reposent sur la conservation à la Cinémathèque suisse de copies singulières, voire uniques, de films provenant d’un des plus importants producteurs étrangers de l’époque, la présence historique de ces mêmes films dans notre espace permet d’explorer, ou du moins de suggérer, d’autres aspects de cette relation entre centre et périphérie. Ces derniers portent ici sur la forme de notre culture cinématographique, à l’ère d’avant la critique, et sur le rôle déterminant du système de diffusion Pathé dans la création des premières salles vouées dans nos villes, en permanence et principalement, au spectacle cinématographique.
Cette problématique concerne évidemment avec une acuité particulière les pays assujettis par la taille ou la structure de leur marché à une forme de domination extérieure. Elle est au cœur de la réflexion sur le rôle des cinémathèques qu’on y trouve et sur la définition de leur objet (s’agit-il d’intervenir comme un conservatoire de la culture cinématographique ou comme une archive de la production nationale ?).
Elle se répercute aussi dans les études cinématographiques comme en témoignent les actes du 10ème colloque de Domitor, dont nous ne pouvons que recommander la lecture à ceux que les premières vingt années du cinéma intéressent : François Amy de la Bretèque, éd., Les cinémas périphériques dans la période des premiers temps, Presses universitaires de Perpignan, 2010 (avec un dvd).
L’Assassinat du Duc de Guise à l’affiche à Genève, ce n’est pas seulement ces quelque vingt minutes de film, c’est tout un programme, qui est abordé dans ce troisième volet sous le titre général suivant :
- Roland Cosandey, L’Assassinat du duc de Guise à l’Omnia Cinéma, Genève, 19 - 25 janvier 1909. Eléments de documentation critique pour un programme de cinéma
Le dossier est en deux parties, pour en faciliter la lecture parallèle :
- Le programme et ses alentours,
- Ce que dit le catalogue Pathé.
Las but not least
Rappelons enfin que la production italienne du Film d’art est représentée dans la collection de la Cinémathèque suisse par un film déposé par le Département audiovisuel de la Bibliothèque de La Chaux-de-Fonds, qui a fait l’objet de soins particuliers, et pour cause : il s’agit d’une copie unique du Guglielmo Tell réalisé en 1911 par la société Film d’arte italiana.
- Cf. Roland Cosandey, «Du bon usage du patrimoine cinématographique en Suisse : La Peste rouge (Suisse, 1938), Vous avez la mémoire courte (France, 1942), Guglielmo Tell (Italie, 1911)», Etudes et sources (Berne),
nº 23, 1997, pp. 255-288, 11 illustrations.
rc / juillet 2010