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Connaissez-vous Tjerk Wicky?

Initiates file downloadFrançois Bovier, Adeena Mey, Thomas Schärer, Autour de Pêche de nuit (1963). Entretien avec Tjerk Wicky, 13 p., pdf.


Présentation

Nous avons rencontré Tjerk Wicky (*1935) à Lausanne, le 27 mars 2012, dans le cadre de recherches liées au projet Expérimentations filmiques en Suisse 1950-1988 / Schweizer Filmexperimente 1950-1988, mené à l’Université de Lausanne et à la Zürcher Hochschule der Künste.

Malgré le détachement qu’il cultive envers sa lointaine et courte incursion cinématographique dans le domaine du film expérimental – nous lui avons appris que le film de 1963 qui nous amenait vers lui, Pêche de nuit, avait été édité en dvd -, il a bien voulu évoquer pour nous sa participation à cette œuvre collective.

Jean Mill, Marc Peire, Luc Peire’s Environment, Fondation Jenny & Luc Peire, Knokke-Dorp, 2007, 44 p., + 22 p. (traduction), avec un dvd.

Son témoignage est d’autant plus précieux qu’au contraire de Luc Peire (1916-1994) et d’Henri Chopin (1922-2008), son nom se réduit aujourd’hui à une simple mention filmographique, sans plus de consistance historique.

Ce nom, nous l’avions repéré dans le catalogue du Festival international de cinéma expérimental de Knokke-le-Zoute (EXPRMNTL 3, 1963), à l’entrée suivante :

« Pêche de nuit, Henri Chopin, Luc Peire, Tjerk Wicky, France/Suisse/Belgique, 1963, 12 minutes ».  

Cette année-là, la revue Praxis (São Paulo) publiait en français un texte d’Henri Chopin sur Pêche de nuit (n°3, 2ème semestre 1963). Il vient d’être reédité dans le dossier consacré au créateur de la Poésie sonore par Celebrity Café (Dijon), n° 1, juin 2013. Par ailleurs, Pêche de nuit figure dans les collections du Musée national d'art moderne / Centre de création industrielle depuis 1997 (la Cinémathèque royale de Belgique en conserve également une copie). L’œuvre est brièvement décrite dans la notice que Xavier Garcia Bardon consacre à Chopin, sur le site internet du Centre Pompidou (la date donnée, 1957, est celle de l’ « audio-poème » de Chopin qui donne son titre au film).

Grâce à l’entretien publié ici, qui paraît également sur papier dans la revue Décadrages, (n°28, automne 2014), deux autres films tournés après Pêche de nuit ont resurgi, sinon matériellement, du moins filmographiquement. Il s’agit d’un essai intitulé Les façades (1963, 16 mm, moyen métrage) et de Quelques-uns parmi d'autres, film de commande de la société pharmaceutique Roche France, que Wicky réalisa à l’instigation du docteur Pierre - A. Lambert, psycho-pharmacologue au Centre hospitalier spécialisé de Bassens, en Savoie, psychanalyste SPP, partisan de la psychiatrie de secteur (35 mm, 22’ ; CNC RCA Registre de la cinématographie et de l’audiovisuel, n° 31163, 19.11.1965).
Lambert animait alors le Comité lyonnais de recherche thérapeutique en psychiatrie (CLRTP), dont le colloque de 1964 sur « la relation médecin-malade au cours des chimiothérapies psychiatriques » constitua un moment important dans l’histoire de la psychiatrie française.

Un quatrième travail est non seulement conservé, mais il figure de manière pour le moins inattendue dans un dvd réunissant des documents audiovisuels conservés par les Archives cantonales de Bâle-Ville, Bewegte Vergangenheit : Filme aus dem Staatsarchiv Basel-Stadt 1 + 2.
Intitulé Pop-Art-Fest (1968, 16 mm, couleur, 10’53), cette évocation, entre reportage amical et montage pop, de l’avant-dernier bal costumé du Bon Film, le plus grand ciné-club suisse de l’époque, fut filmée, nous dit le générique parlé, par Tjerk et Ruth Wicky, assisté de B. Dussolle [sic ?].
Dans la notice du livret d’accompagnement bâlois, une écoute défaillante du générique a fait transcrire Tjerk par Thierry et une interprétation abusive de « filmé par » a entraîné la qualification de ce film, commandité par le Bon Film, comme une production de « Ruth und Thierry Wicky, Paris ».
Commenté en suisse-allemand par Frank Weiss, président du Bon Film, Pop-Art-Fest n’apparaît toutefois pas comme un film destiné à une diffusion publique – il aurait fallu payer les droits des extraits des chansons des Beatles qu’on y entend ! -, ni même comme une réalisation qu’on puisse vraiment attribuer à Wicky.
Celui-ci avait filmé la fête à une caméra, avec la seule aide de sa femme, et avait livré la pellicule inversible à Frank Weiss, qui en fit faire le montage image et son, selon le témoignage de T. Wicky, qui n’a jamais vu le film terminé (conversation téléphonique du 27 juin 2014 avec Roland Cosandey). 

Nathalie Bauman, Christoph Manasse, éd., Bewegte Vergangenheit : Filme aus dem Staatsarchiv Basel-Stadt 1 + 2. Vom Alpenflug zum Pop-Art-Fest, 1933-1968. Vom Basler Rheinhafen zur Nordsee,  1945-1961, Christoph Merian Verlag, 2010. Voir dvd 1.

De Pêche de nuit, dans lequel il “anime” le poème sonore d’Henri Chopin et les peintures de Luc Peire, Tjerk Wicky possède encore une copie 16mm. Nous avons présenté le film en dvd à la Cinémathèque suisse, le 28 janvier 2012, à l’occasion du colloque « Hors-Cadre : Swiss Film Experiments », consacré à l’histoire du cinéma expérimental en Suisse.
Tjerk Wicky était présent, ému par la projection de ce film qu’il n’avait plus vu depuis les années 1960 - d’ailleurs, il ne s’était rendu ni à Knokke en août 1963 ni à Anvers, où le film remporta le prix Sinjaal, 1er Prix pour le film expérimental, en septembre de la même année au Festival Benelux 1963.

Après sa période parisienne, à son retour en Suisse en 1969, Tjerk Wicky se consacra au graphisme et à l’édition, avec sa femme, à l’enseigne de Wicky S.A, qu’il revendit à la fin des années 1990. Nous sommes heureux de lui restituer ici, si modestement cela soit-il, sa place dans l’histoire du cinéma.

Par ailleurs, Pêche de nuit figure en bonne place dans Film Implosion!, une exposition proposée par Fri Art, du 21 novembre 2015 au 21 février 2016 (commissaires: François Bovier, Balthazar Lovay). Celle-ci marque un des aboutissements de notre projet de recherches, avec la publication qui l’accompagne: Balthazar Lovay, Sylvain Menétrey, éd., Film Implosion! Experiments in Swiss Cinema and Moving Images, Fri Art Kunsthalle Fribourg, Fribourg, 2015, 90 p., ill. n. et bl.

 

François Bovier, Adeena Mey, Thomas Schärer
Juin 2014 / Janvier 2015